Comment rater son chantier ? Les 6 erreurs à éviter
- Camille Caire
- Rénovation
Un chantier est d’abord une rencontre entre vous et un entrepreneur en bâtiment (ou des artisans). En effet, cette rencontre est le début d’une collaboration entre lui et vous. Grâce à son savoir-faire, il doit pouvoir réaliser des prestations de travaux et d’aménagements qui correspondent à vos envies et à vos besoins.
De plus, un chantier est par définition complexe, il demande une certaine logistique et coordination, avec ce que cela implique au niveau de la préparation en amont du chantier, de l’organisation pendant, et de la rigueur nécessaire sur la réalisation des travaux. Un chantier repose donc tout d’abord (et presque essentiellement) sur la relation humaine que vous allez nouer avec l’entrepreneur que vous aurez choisi.
C’est pourquoi, avec quelques mauvais réflexes, il est facile de ne pas favoriser cette relation, de tuer toutes tentatives de la faire naître ou finalement de l’annihiler définitivement. Partez sur de mauvaises bases, rajouter quelques mauvais réflexes lors du chantier, et vous voilà fin prêt pour donner toutes vos chances que le chantier, votre projet se déroule de manière difficile, voir se saboter littéralement.
Voici donc les 6 erreurs à ne pas commettre pour éviter de rater son chantier de rénovation.
Le premier rendez-vous sur place est généralement la première fois où vous allez rencontrer en “vrai” l’artisan. C’est un échange indispensable où vous allez vous jauger. Il va prendre le pouls de vos besoins, et surtout s’imprégner du lieu des travaux : car un projet de rénovation n’est propre qu’à son contexte. Ainsi, il va relever les mesures, prendre des photos, respirer si l’air sent l’enduit humide et analyser en profondeur qu’elles sont les nécessitées et contraintes à contrer pour la pérennité des travaux.
Par ailleurs, si vous faites venir les artisans comme on visite une location sur Paris (c’est-à-dire par 2 ou 3 sur des tranches horaires de 15 min), c’est la meilleure situation pour qu’aucun des artisans ne s’investisse particulièrement sur vous et votre projet, malgré les sourires de façade.
Le parallèle est réel. Exemple : vous avez un premier rendez-vous avec une charmante personne. Vous vous préparez consciencieusement car vous savez que c’est lors du premier rendez-vous que tout ce qui peut potentiellement se passer entre elle et vous doit commencer. Et là, en arrivant, vous découvrez que la personne fait venir des prétendants par groupes de 3 au bar et leur donne 20 à 30 min pour se présenter et commencer à la découvrir. .
Peu évident d’être à l’aise n’est-ce pas ? On se retrancherait facilement sur la défensive…
Dans ces conditions, comment peut-on commencer les choses correctement si le temps et le contexte émotionnel nécessaire pour initier un échange approfondi entre vous deux ne sont pas respectés ? Pourtant, dans l’immense majorité des cas, les rencontres pour établir un devis se passent de cette manière.
De ce fait, en agissement comme cela, vous vous retrouvez peut-être avec le sentiment fort que des professionnels se pressent pour vous. Mais vous avez surtout frustré la plupart des artisans, qui n’ont pas forcément pu se concentrer sur ce qu’ils avaient à analyser. Conséquences ? Ils ne vont pas spécialement s’investir outre mesure pour votre projet de rénovation, en étant juste un numéro parmi d’autres. De plus, il est fort probable que vous vous retrouviez avec des devis de faibles qualités (pas très rigoureux et avec des manques), que vous allez recevoir des semaines après le rendez-vous.
C’est une des erreurs à absolument éviter pour ne pas rater son chantier !
Vous venez de recevoir vos différents devis. Il n’y a plus qu’à les “trier” et faire votre choix”. De ce fait, c’est la partie la plus stratégique car vous allez décider à quel partenaire confier votre projet.
Se jeter sur le devis le moins cher sans chercher à comprendre ce que les autres devis ont prévu dans les descriptifs : c’est directement privilégier, potentiellement, celui qui n’a pas anticipé les contraintes techniques, ou une qualité de préparation nécessaire pour une prestation qui tient la route.
Exemple concret : le devis est moins cher en peinture de 40%, mais il se peut que l’artisan n’est pas prévu les enduits de reprise sur les zones abîmées. Une peinture neuve sur un mur râpé = un résultat désolant, qui va grandement s’enlaidir en quelques mois et qu’il faudra reprendre.
Gardez à l’esprit qu’un devis de travaux, une fois signé par vos soins, devient un engagement contractuel entre les 2 parties. C’est pourquoi, si vous signez le devis le moins cher qui fait la taille d’un post it (nous en avons vu, sur des chantiers à 40 000 euros, les gens sont d’une sérénité parfois…), ou pire, que vous tapez juste dans la main de la personne sans devis écrit, vous supprimez toutes possibilités de vous protéger légalement si les prestations effectuées ne respectent pas un minimum de qualité de finition et de pérennité techniques lors des travaux.
De plus, si l’entrepreneur s’amuse à ne pas jouer le jeu d’une prestation rigoureuse, ce sera votre parole contre la sienne. Aussi, si vous ne réglez pas son deuxième acompte, il va forcément abandonner le chantier. Vous aurez donc perdu du temps et de l’argent. De cette manière, vous aurez réussi à rater votre chantier en quelques semaines !
Dans le bâtiment, il existe une équation assez simple : une prestation de qualité = temps de réalisation minimum + matériaux de qualité x artisan compétent.
C’est pourquoi, entamer une négociation arbitraire (qui ne repose sur aucune contrepartie de votre part) pour abaisser au maximum le prix du devis ; c’est directement dégrader un des 3 facteurs de l’équation de la prestation.
Par conséquent, pour s’en sortir économiquement, l’entrepreneur va forcément devoir rogner sur un des trois facteurs pour ne pas perdre d’argent. Cela va mathématiquement abaisser les moyens nécessaires pour réaliser une prestation pérenne. De toute évidence, c’est vous qui allez subir directement le préjudice de cette mauvaise prestation. Morale de l’histoire : vous êtes votre propre bourreau!
D’expérience, il existe (heureusement) des entrepreneurs en rénovation compétents qui fournissent des prestations carrées au prix juste. Le prix juste signifie qu’il est estimé pour respecter l’artisan. En effet, c’est lui permettre de consacrer le temps nécessaire pour réaliser les travaux dans de bonnes conditions, avec des matériaux de qualités durables. Le prix le plus juste n’est pas forcément le plus cher, en revanche, il n’est que très rarement le moins cher.
Ces professionnels fonctionnent sur recommandations. Ils sont installés depuis longtemps, et ils reçoivent plus de demandes de devis qu’ils ne peuvent en réaliser dans l’année. Alors logiquement, ils vont se concentrer sur les chantiers des clients les plus à même de reconnaître leurs valeurs, qui respectent leurs conseils, les échanges nécessaires pour affiner le projet, et surtout qui ne négocient pas le devis parce qu’un concurrent moins compétent, moins organisé et moins rigoureux propose un devis moins cher. La qualité, la durabilité et la sérénité de votre projet de rénovation ont un prix.
Enfin, c’est ce qui fait qu’un artisan très compétent rempli son carnet de commandes naturellement. Alors si vous négociez votre devis en cherchant le prix bas, vous allez naturellement écarter les meilleurs entrepreneurs pour ne garder que les moins bons. Par conséquent, il ne restera que des entrepreneurs qui n’ont pas de planning (parce que pas ou très peu de recommandations), qui doivent le remplir impérativement, et qui seront enclins à accepter de négocier le devis.
Conclusion : si vous souhaitez mettre toutes les chances de votre côté pour rater votre projet de rénovation intérieure, réunissez tous les artisans au même rendez-vous pour établir votre devis, sélectionnez le devis le moins ou négociez celui que vous avez sélectionné.
La plupart des prestations sur un chantier demandent d’anticiper et coordonner plusieurs corps de métiers différents.
Par exemple lorsque vous faites refaire une cuisine, l’enjeu n’est pas seulement de monter le mobilier, il faut aussi prévoir les arrivées/évacuations d’eau, les lignes électriques pour les prises et les luminaires, et les supports prêts à recevoir du carrelage pour la crédence. Au final, il faut anticiper et coordonner au moins 3 corps d’état différents.
Ainsi quant au dernier moment vous ne souhaitez plus d’une cuisine comme celle-ci mais plutôt comme cela, c’est une longue inertie de plusieurs corps d’état que vous remettez en cause. De plus, sachez que si vous changez d’avis en cours de route, vous allez faire perdre du temps à l’artisan et annuler ce qui a déjà été fait. L’entrepreneur devra en plus consacrer du temps pour défaire ce qui a été réalisé afin de faire place nette pour recommencer selon votre nouvelle envie.
De ce fait, avoir ce genre de comportement plusieurs fois, va engendrer le dégoût de votre artisan. Il risque de plus, de vous faire refacturer au prix fort les travaux modificatifs ou bien de faire ralentir votre chantier. Eh oui, les réflexes des artisans seront toujours d’aller au chantier le plus efficace, le temps que son autre chantier précédent se décide définitivement !
Il ne faut pas oublier qu’un chantier c’est 80% d’anticipation et d’organisation. Un bon entrepreneur a toujours 2 à 3 coups d’avance sur le planning. Le fliquer quotidiennement par téléphone, voire même toutes les 2 heures est un très bon moyen de tuer toutes les possibilités de créer une relation de confiance entre vous et lui. En effet, une relation de confiance est essentielle pour que votre projet de rénovation se déroule le mieux possible. Il est possible que pendant une journée entière (voir plusieurs), votre chantier soit sans ouvrier. Et pour de très bonnes raisons !
Exemple concret : lorsque l’on coule une chape flottante pour rattraper le sol d’un appartement, le temps de séchage s’étend jusqu'à parfois 1 semaine (selon l'hygrométrie et les températures extérieures). Intervenir ne servira qu'à abimer le travail déjà fait, ne serait-ce qu’en le salissant car les poussières sont très volatiles.
C’est votre projet, vos travaux, votre bébé, et l’enjeu financier est réel. Cependant, harceler votre entrepreneur, c’est lui communiquer le message implicite mais très clair que vous n’avez pas confiance en lui, ni en ses compétences et que vous avez très peur de la pérennité du projet. Le meilleur moyen de créer l’échec, c’est d’être obnubilé et de céder à ses réflexes primaires.
Si vous avez bien respecté les consignes jusque-là, c’est que le lien de confiance et de respect qui vous relie à votre entrepreneur est particulièrement effilé. Avec ce réflexe, vous allez pouvoir le couper définitivement. Depuis la généralisation des tutos décoration de Valérie “cache-misère” Damidot et les géo trouvetou abonnés aux formations Leroy Merlin, vous pouvez, comme certains, jouer directement au responsable technique du chantier, et poser de plus en plus de questions/injonctions jusqu’à finir par donner des ordres.
L'évacuation d’eau vous la faites passer dans la cloison SAD ou pas ? Je veux ma chaudière dans la petite niche de la salle de bain, ailleurs elle me gêne, je décide car je paie.
Sachez que tous les artisans dignes de ce nom travaillent en respectant un D.T.U propre à chaque corps de métier. Qu’est-ce que le D.T.U ? C’est le Document Technique Unifié qui, pour l’expliquer simplement, sert de bible pour exposer point par point les méthodes et techniques obligatoires à appliquer pour réaliser la moindre prestation. Allant d’un tableau électrique à la pose de tuile en passant par la rénovation de façade. Absolument tous les corps de métiers de travaux possèdent leur D.T.U.
C’est grâce à cela que les chantiers livrent des prestations homogènes et sécurisées sans exception (si l’artisan ne le respecte pas, ses prestations ne sont tout simplement pas aux normes) en France. C’est ce qui sert aussi de cadre pour que les travaux puissent rentrer dans les clous de la garantie décennale.
Pour conclure, l’artisan est alors considéré comme “sachant” sur le chantier. En effet, c’est lui le professionnel et c’est lui qui est libre de faire ce qu’il estime possible dans le cadre d’une prestation pérenne, autorisée techniquement et qui durera dans le temps. Vous ne pouvez/devez strictement rien lui imposer techniquement, ni sur la manière dont une réalisation doit se réaliser, même si vous l’avez lue le matin même dans “poser un WC pour les nuls”. Si vous le faites en le menaçant de ne pas le payer (votre seul moyen de pression), vous avez une chance sur deux pour qu’il abandonne le chantier sur-le-champ. Ou alors, il veillera à bien vous faire signer une décharge de responsabilité, et votre chantier ne sera même plus assuré. Comme dirait l’autre, “ils y en a qui ont essayé, ils ont eu des problèmes …”
Certaines fournitures comme le carrelage ou le parquet peuvent représenter de jolies économies si on les achètent sur internet. Mais écumer les sites internet de déstockage alléché par les -50% par rapport au prix standard, surtout pour des éléments très techniques (comme les chaudières, les VMC etc) peut vite s’avérer une fausse bonne idée. En fait, les délais de livraison sont souvent “optimistes” et vous faites perdre la gestion logistique du chantier à votre artisan. De plus, les éléments sont souvent livrés “nus” sans les accessoires d’installation. Accessoires indispensables à leur installation ou à leur bon fonctionnement et qu’il faut acheter juste après (souvent un peu plus cher seul que s’il était vendu dans un ensemble). Les économies sont en général bien rognées, la perte de temps sur le planning et la désorganisation avec les autres corps d’état, sont du bonus.
Sachez que si le matériel n’est pas acheté par l’artisan, il peut légalement ne pas impliquer sa décennale pour protéger votre prestation. En même temps, il ne sait pas si l’élément est une occasion ou non, bien stocké ou non, et il est compliqué de manière générale de faire fonctionner la garantie du site de vente au moindre défaut.
Ils ont osé franchir le pas, pourquoi pas vous ?